Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/101

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Elle est nonchalamment assise sur un canapé, avec ses grands yeux cernés, tout pleins de la langueur des brunes, avec son teint pâlement rosé de vieux saxe, son noir grain de beauté sur une pommette, sa bouche aux retroussis moqueurs, son décolletage à la blancheur d’une gorge lymphatique, ses gestes paresseux, brisés, et dans lesquels monte, par moments, comme une fièvre.

Elle a cette femme, un charme à la fois mourant et ironique tout à fait singulier, et auquel se mêle la séduction des Slaves : la perversité intellectuelle des yeux et le gazouillement ingénu de la voix ! Et de temps en temps, la frêle personne à la grâce languide, est secouée par une petite toux sèche.

Vraiment elle est très parlante à la curiosité amoureuse, cette femme ! et cependant si j’étais encore jeune, encore en quête d’amours, je ne voudrais d’elle que sa coquetterie, il me semblerait que si elle se donnait à moi, je boirais sur ses lèvres un peu de mort.

Mercredi 9 décembre. — Desprez, cet enfant, cet écrivain de vingt-trois ans, vient de mourir de son enfermement avec des voleurs, des escarpes, de par le bon plaisir de ce gouvernement républicain, — lui, un condamné littéraire ! On ne rencontre pas le fait d’un assassinat comme celui-ci, ni sous l’ancien régime, ni sous les deux Napoléon.