Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/138

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toujours une déception pour l’imagination du regardeur, si toutefois il en possède une.

Jeudi 22 avril. — Je dîne ce soir avec Drumont, qui se bat, samedi, avec Arthur Meyer du Gaulois, assisté de Daudet et de M. Albert Duruy.

Drumont arrive nerveux, surexcité, drolatiquement guilleret : « Aujourd’hui, s’écrie-t-il, cinquante-cinq personnes… la sonnette ne cesse pas… on commence à s’arrêter dans la rue, devant la maison, en voyant tous ces gens qui entrent… des gens qui viennent me dire : “Ah ! que nous vous remercions, d’avoir imprimé ce que nous sentons…” Il y a des carmélites qui m’ont fait dire qu’elles prieraient pour moi, samedi… et ma béguine qui vient d’entrer chez moi, et à qui on a dit que j’étais une sorte de curé laïque… elle ne sait plus où elle en est… Oui, oui, il n’y a plus un seul exemplaire… les 2000 sont partis… on va mettre huit machines… C’est éreintant tout de même… J’ai parlé huit heures, aujourd’hui… je n’ai plus de voix ! »

Un moment il dit : « Je tape trop sur le fer, je ferraille… il y a chez moi de l’indécision sur ce que je veux faire… je ne tire pas de suite, comme Laurent. » Et il ajoute qu’il veut se battre trois fois, après quoi, il trouve que ce sera satisfaisant, et qu’il cherchera un joint pour rentrer dans la vie ordinaire.

Entre Albert Duruy, qui vient s’entendre avec