Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/25

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voir ses imaginations, prendre une consistance en chair et en os, sa prose, se changer en mouvement, en de l’action, — enfin le froid imprimé, dont on est l’auteur, devenir de la vie.

Lundi 23 février. — Dans le premier journal que j’ouvre, je tombe sur ce fait divers, que les machinistes à l’Odéon ont passé la nuit à équiper le décor du Bal Masqué.

En arrivant au théâtre, mon œil, dans le jaune des affiches, est de suite attiré par le blanc, au milieu duquel se lit : Henriette Maréchal, annoncée pour samedi, et pour dimanche en matinée.

Répétition retardée par l’enterrement d’Élise Petit, cette toute jeune ingénue blonde, morte des suites d’une couche. Je m’en vais lire, au murmure de la fontaine de Médicis, dans le soleil d’un entre-deux de giboulées, un cruel article sur Banville, de Lemaître, je m’en vais voir mon portrait de Bracquemond au Musée du Luxembourg, portrait, que je ne sais pourquoi, le conservateur n’a pas indiqué sous mon nom. Je reviens à l’Odéon, et en attendant que commence la répétition, je m’amuse à voir mettre en place le décor du corridor de l’Opéra, devant un machiniste en chef morose, accompagné en chacun de ses pas, par un bouledogue trapu, et comme écrasé sur les planches de la scène, — homme et bête à la silhouette fantastique.