Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/33

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fusé d’aller voir dans la salle, vient me trouver avec son monde, au foyer des acteurs, et un peu grisée par des bravos me dit : « C’est superbe, c’est superbe… si on s’embrassait ? »

Et après des embrassades des uns et des autres, on s’achemine chez Daudet, où l’on me donne la place du maître de la maison. Et l’on soupe au milieu d’une douce gaîté, et de l’espérance de tous que mon succès va ouvrir à deux battants la porte au théâtre réaliste.

En rentrant à quatre heures chez moi, Pélagie qui se relève, me confirme le succès de ce soir, disant, qu’un moment, elle et sa fille ont craint que les troisièmes galeries, toutes remplies d’étudiants et de jeunes gens, ne leur tombassent sur la tête dans le délire des trépignements.

Mardi 3 mars. — Un excellent Figaro. Le reste de la presse assez ergoteuse, déclarant que ma pièce est une œuvre ordinaire, où cependant se rencontrent une certaine délicatesse, et un style sortant de l’écriture courante des drames de tout le monde… En lisant les journaux, je suis frappé par la sénilité des idées et des doctrines chez les critiques dramatiques. Parmi ces messieurs s’est maintenue, de la façon la plus orthodoxe, la religion du vieux jeu. Chez les critiques littéraires, une transfusion de jeune sang s’est faite, et les plus arriérés, les plus