Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/333

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l’apport de l’argent, dans la scène du bas de la rue des Martyrs, il y a sous le dire de l’admirable Mlle Réjane, une langue qui, par sa concision, sa brièveté, le rejet de la phrase du livre, l’emploi de la parole parlée, la trouvaille de mots remuants, enfin un style théâtral qui fait de ces tirades, des choses plus dramatiques, que des tirades, où il y aurait sous la voix de l’actrice, de la prose de d’Ennery ou de Bouchardy.

Eh bien, tant pis pour vous, si comme critique lettré de théâtre, vous ne faites pas la différence de ces deux proses.

Maintenant n’est-ce encore rien, des caractères dans une pièce ? Et les caractères de Mlle de Varandeuil, de Germinie, de Jupillon, vous les trouvez n’est-ce pas inférieurs aux caractères de n’importe quel mélodrame du boulevard.

Or donc, le style, les caractères n’entrant point en ligne de compte dans votre critique, accordez-vous quelque valeur aux situations ? Pas plus ! Ce tableau frais et pur du dîner des fillettes, servi par cette servante enceinte, et se terminant par l’emprunt des quarante francs de ses couches, ce tableau en dépit de l’empoignement du public de la première — un des plus dramatiques du théâtre de ce temps, vous ne le trouvez qu’odieux, mal fait, et sans invention aucune. Et toute votre esthétique théâtrale, monsieur Sarcey, consiste dans la scène à faire.

Mais la scène à faire, êtes-vous bien sûr que vous êtes le seul, l’unique voyant, patenté et breveté de cette scène ? Avant tout, pour la scène à faire, il faut