Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/175

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abattement, ses yeux brillent : c’est le Daudet du bon temps qui a la parole.

Dimanche 27 juillet. — Mme Dardoize, qui est ici en villégiature pour quelques jours, nous lit des fragments de lettres de sa fille, mariée au consul français en Birmanie : fragments nous initiant à la vie élégante de la colonie européenne de ce pays. On sent dans ces lettres, qu’en ce pays de chaleur torride sans air, en ce pays d’anémie et d’épidémie, en ce pays au mois d’octobre meurtrier, en ce pays, où un Européen ne peut guère vivre que trois ans, et encore avec des séjours dans la montagne ; on sent que contre le voisinage de cette mort, c’est au moyen du champagne, du bal, du flirtage, d’une vie mondaine enragée, que ces hommes et ces femmes en chassent la pensée.

Lundi 28 juillet. — Ce soir, Mme Dardoize racontait qu’à un dîner chez la duchesse de Reggio, malgré les signes de son mari, la duchesse demandait à un officier de marine, pourquoi il n’avait mangé ni du veau ni du poulet qu’on lui avait servi. Il se trouvait que cet officier pris avec sa femme par des anthropophages, avait mangé sans le savoir d’un pâté fait avec la chair de son épouse, et