Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/22

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fait compliment, mais je trouverais encore plus triomphante la réplique à la critique, et telle qu’aucun écrivain de l’heure présente, n’ose la faire, la réplique sans merci ni miséricorde.

Samedi 26 janvier. — Paris ! on n’y voit plus que des affiches et des colleurs d’affiches. Contre la palissade qui entoure la ruine de l’Opéra-Comique, cinq colleurs se rencontrent nez à nez, et se mettant à brandir leurs pinceaux et à danser, s’écrient : « Nous sommes tous des Jacques ! »

Mes amis ont voté ce matin pour Jacques. Moi, si j’avais voté, j’aurais voté pour Boulanger, quoique ce soit l’inconnu, mais si c’est l’inconnu c’est la délivrance de ce qui est, et je n’aime pas ce qui est, et à l’avance j’aime n’importe quoi qui sera — quitte à ne pas l’aimer après. Mais fidèle à mes habitudes je n’ai pas voté, n’ayant jamais voté de ma vie, intéressé seulement par la littérature et non par la politique.

Ce soir, sur les boulevards, une foule immense, traversée par des bandes chantant sur un ton ironique : « Tu dors, pauvre Jacques ! » Et cela, à chaque fois, qu’apparaissent aux transparents des journaux, les chiffres de la majorité écrasante du général Boulanger.

C’est curieux tout de même, cette popularité inexplicable de cet homme qui n’a pas même une petite victoire à son compte, cette popularité chez les ou-