Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/284

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plume, le rouge du liège, et les transparences de la rivière coulant sur les herbes, et la ride de l’eau quand ça commence à piquer, et la fuite et le plongement et la disparition du bouchon dans les profondeurs sous-marines. C’est extraordinaire, mon œil a été transformé en un cliché de photographie coloriée, et aucun spectacle de ce monde ne laisse en moi une image pareille. Pourquoi une figure aimée, souvent regardée, ne revient pas, précisée, arrêtée, lignée, dans votre œil, comme ce bouchon de liège.

Vendredi 11 septembre. — Dans la bataille littéraire du moment, on n’a pas dit — ce que j’ai affirmé à propos de Flaubert — que le grand talent en littérature était de créer, sur le papier, des êtres qui prenaient place dans la mémoire du monde, comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre. C’est cette création qui fait l’immortalité du livre ancien ou moderne. Or les décadents, les symbolistes et les autres jeunes, peuvent avoir mis des sonorités dans leurs plaquettes, mais jamais, au grand jamais, n’ont déposé là dedans, l’être dont je parle — et même un être de second, de troisième plan.

Lundi 14 septembre. — Toute la soirée d’hier, toute la matinée d’aujourd’hui, dans des recherches