Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auquel quelqu’un demande ce qu’il est allé faire là-bas, répond moitié blaguant, moitié sérieusement : « J’ai fait le commis voyageur de l’idéal ! »

Berendsen m’apporte aujourd’hui, traduit en danois, le volume d’Idées et sensations. C’est surprenant qu’il ait été fait à l’étranger une traduction de ce livre de style et de dissection psychologique, de ce livre si peu intéressant pour le gros public français.

Dans son lit, avec sa figure à l’ovale maigre et allongé, ses mains exsangues au-dessus des draps, d’une voix du fond de la gorge, Daudet dit : « Je divise les livres en deux : les livres naturels, les livres d’une inspiration spontanée, et les livres voulus. » Et il se livre à une classification curieuse, dans ces deux divisions, des livres célèbres du moment.

Mercredi 6 mars. — La Seine, à cinq heures, du côté du Point-du-Jour. Le soleil, une lueur diffuse de rubis, dans un ciel laiteux, couleur de nacre, où monte l’architecture arachnéenne de la tour Eiffel. Un paysage à la couleur d’un buvard écossais.

Maupassant, de retour de son excursion en Afrique, et qui dîne chez la princesse, déclare qu’il est en parfait état de santé. En effet, il est animé, vivant, loquace, et sous l’amaigrissement de la figure et le reflet basané du voyage, moins commun d’aspect qu’à l’ordinaire.