Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/55

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comme il n’en a jamais éprouvé, et au milieu de laquelle, il s’est trouvé dans l’obligation d’appeler un camarade, pour prendre la femme et la transporter dans la voiture d’ambulance.

Au milieu de ce récit, soudain Rosny qui est à ma droite, se lève, et me porte un toast d’une amicalité très charmante, où il malmène, presque avec des gros mots, les éreinteurs de mes deux pièces, et cela est dit par l’auteur du Bilatéral, d’une voix tendrement émotionnée.

Au fond un repas vraiment affectueux dans lequel Antoine m’apprend que la municipalité de Reims lui demande de venir jouer la Patrie en danger, le 14 juillet, et qu’il veut ouvrir la saison prochaine avec les Frères Zemganno.

Là-dessus une tournée au café Riche, et l’on se quitte avec des tendresses, à une heure du matin.

Jeudi 18 avril. — Pillaut, le musicien, racontait que pour l’exposition du Conservatoire qu’il faisait, il avait été dans un village de l’Oise, dont j’ai oublié le nom, et où l’on faisait des instruments de musique en bois, depuis près de trois cents ans : un village où il n’y a pas de ferme, où les paysans ne sèment, ni ne labourent, ni ne fauchent, et où tous, le cul sur une selle, travaillent à des clarinettes, qui se composent d’une trentaine de pièces. Ne vous apparaît-elle pas comme une localité digne d’être décrite par Hoffmann, cette localité fantastique ?