Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/106

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le jour, où il n’occupera plus le rez-de-chaussée du Temps, peut s’attendre à être traité de bas scribe, et de pauvre plumitif dramatique.

Samedi 31 décembre. — Chez Chappey, le marchand de curiosités de la rue Lafayette, je tombe sur Réjane, qui a l’air d’y faire ses galeries, avant dîner. Nous causons de Charles Demailly, où elle était à la première, et après m’en avoir parlé en bien, elle me donne ces tristes détails sur l’influence de la critique. — Je vais voir, me dit-elle, une femme très intelligente, qui me reçoit avec cette phrase : « C’est drôle, Sarcey a éreinté la pièce, et j’ai passé hier une très amusante soirée au Gymnase ! » Une autre femme plus timide en ses jugements, que je rencontre, me dit : « Eh bien, comment trouvez-vous Charles Demailly ? — Mais très bien. — Et moi aussi, mais je n’osais pas le dire ! »

Et elle me parle du mépris de Porel pour la presse, qui a éreinté tout ce qu’il a joué d’artistique. « Du reste, pour prouver l’inintelligence des journalistes, ajoute-t-elle, figurez-vous, que lorsque j’ai joué Germinie Lacerteux, j’ai reçu haut comme cela de lettres — et ses deux mains dessinent la grandeur d’une cassette — pour me détourner de la jouer… et c’étaient des amis… des gens qui m’étaient attachés… et qui le faisaient, dans l’intérêt de mon avenir… Eh bien, si je les avais écoutés, je serais restée une moule ! »