Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servir pour mes travaux, et je me demande, si mon originalité ne vient pas un peu de cela, qui ne me fait pas du tout un réminiscent. — Je suis bien plus un méditant qu’un liseur.

Ce soir dîner japonais chez Riche. Dans ce monde de bibeloteurs japonais, c’est une folie de surenchères entre Gillot, Havilant, Manzi, et le bijoutier Vever, le plus passionné de tous, et qui nous montre le billet de sa place sur le paquebot, pour l’Exposition de Chicago. Et ce n’est pas l’Exposition qu’il va voir, il va surprendre Hayashi, et lui enlever tout le dessus du panier des impressions japonaises, qu’il doit rapporter en France, après l’Exposition.

Dimanche 19 février. — On me faisait le portrait d’un usurier fin de siècle. C’est un jeune homme, tout dernièrement commis à douze cents francs, dans le principe, intermédiaire entre des fils de famille et des usuriers, aujourd’hui exerçant par lui-même, tout en étant homme de cercle et cavalier du bois de Boulogne. Comme il lui était demandé, comment il avait pu prêter cinquante mille francs à un garçon sans espérance, sans avenir, et quel gage il pouvait avoir, le jeune usurier avait souri et n’avait pas craint de dire : « J’ai le meilleur des gages, le monsieur en question m’a donné un paquet de lettres de sa maîtresse qui est une femme du grand monde… s’il ne paye pas, c’est elle qui paiera. »