Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/131

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comme la mer, avec des ondulations du sol ayant l’air de vagues, sous le souffle d’une brise, vous mettant du sel sur les lèvres.

Puis, c’est Alexis qui m’apporte une lettre de Dumény, lui écrivant que Charles Demailly a été joué, sept fois, au théâtre Michel, avec le plus grand succès, et que ces sept représentations à Saint-Pétersbourg, équivalent à cent cinquante représentations à Paris.

Enfin, c’est Montesquiou qui vient savoir de mes nouvelles, en même temps qu’il vient chercher son exemplaire des Chauves-Souris, pour le faire illustrer de son portrait, par Whistler.

Montesquiou me dit qu’il a rassemblé beaucoup de notes et de renseignements sur Whistler, qu’un jour il veut écrire une étude sur lui, laissant échapper de l’admiration pour cet homme qui, dit-il, a réglé sa vie, de manière à obtenir de son vivant des victoires, qui sont pour les autres, la plupart du temps, des victoires posthumes. Et il revient sur le procès du peintre avec le journaliste anglais, qui avait parlé de l’impertinence de demander mille guinées pour « jeter un pot de couleur à la figure du public ». Et la réponse de Whistler est vraiment belle, quand on lui demande, combien il a mis de temps à peindre sa toile, et qu’il jette dédaigneusement : « Une ou deux séances, » et que sur les oh ! qui s’élèvent, il ajoute : « Oui, je n’ai mis à peindre qu’une ou deux matinées mais la toile a été peinte avec l’expérience de toute ma vie ! »