Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici ma réponse :

« Monsieur,

« Vous ignorez sans doute que j’ai publié, en 1882, sous le titre de la Faustin, une étude d’actrice tirée chez Charpentier à 16 000 exemplaires, republiée par Lemerre, et traduite en plusieurs langues, notamment en anglais, un roman enfin, jouissant en Europe, depuis douze ans, d’une certaine notoriété.

« Maintenant, je comprendrais votre réclamation, arrivant à son heure, si le nom de Faustin était la propriété exclusive de vous, monsieur, et de votre famille, mais il n’en est rien, indépendamment des Faustin de toutes professions qui peuvent exister en province, j’ouvre le Bottin de Paris et je trouve M. Faustin, fabricant de sacs de papier, 12, rue de la Ferronnerie.

« Je n’ai pas commencé ma pièce, je ne sais pas si mon état de santé me permettra de la faire, mais si elle est jouée, j’ai l’honneur de vous prévenir en dépit de votre interdiction qu’elle portera le nom de mon livre, que je ne changerai pas le nom de mon héroïne, tout prêt en mon nom et au nom de la littérature, à courir les risques d’un procès, parce que, si des prétentions semblables devaient prévaloir, le roman et le théâtre de nos jours seraient, dans un temps prochain, contraints de baptiser leurs personnages, féminins et masculins, des noms de Célimène, Dorine, Oronte, Valère, Éraste, etc., etc., ce qui vraiment n’est pas admissible.