Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/192

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et que je crois que ce qui fait le beau des vrais livres, c’est la sélection de cet emmagasinage.

Dimanche 31 décembre. — Carrière m’apporte un portrait de Daudet, un grand lavis lithographique. C’est un portrait de cette série, dont nous avons parlé, pendant qu’il faisait une esquisse de ma tête, et qu’il devait graver à l’eau-forte et que bien heureusement il n’a pas fait par ce procédé, qui lui aurait pris un temps énorme, étant donné la grandeur de ces images. Tout à fait merveilleux, le fondu, le flou, le corrégianisme de cette planche, et c’est étonnant qu’il se soit rendu maître du procédé, aussi rapidement. Un portrait de Daudet crucifié, golgotant, mais de toute beauté, comme facture.

Aujourd’hui, au Grenier, quelqu’un demandant l’heure, on parle de la différence de l’heure, sur les montres tirées des poches. Cela me fait dire : « Il y a un homme, dont cette différence de l’heure a été l’empoisonnement de la vie. Cet homme qui possédait deux cent cinquante pendules, peut-être les deux cent cinquante pendules les plus admirables, qui aient été jamais fabriquées au monde, n’avait dans la vie qu’une préoccupation, c’était l’accord simultané de la marche de toutes ces pendules, auquel il n’a jamais pu arriver. Oui, oui, ç’a été l’empoisonnement de la vie de lord Hertford. » Alors Rodenbach de s’écrier : « On en ferait un conte fantas-