Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/333

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proposition, vous conférer le grade d’officier de la Légion d’honneur, et vous accepterez que je vous en remette cordialement les insignes. »

Et l’émotion que j’ai ressentie, a été partagée par l’assemblée, dont les applaudissements ont été frénétiques.

« Non, m’ont dit des gens qui avaient assisté à nombre de banquets, non, nous n’avons jamais été témoins d’une si entière adhésion du cœur des assistants. »

Puis, ç’a été un toast d’Heredia, fêtant mes noces d’or avec la littérature.

Puis le discours attendu de Clemenceau, le discours éloquent, où il montre le chevalier de Marie-Antoinette, arrivé par l’amour de la beauté, de la vérité, à devenir l’apologiste d’une Germinie Lacerteux, d’une fille Élisa, qui devaient être des femmes de la tourbe qui accompagnaient la reine à l’échafaud ; discours se terminant par ces hautes paroles :

« Le paysan retourne le sol, l’ouvrier forge l’outil, le savant calcule, le philosophe rêve. Les hommes se ruent en des chocs douloureux pour la vie, pour l’ambition, la fortune ou la gloire. Mais le penseur solitaire écrivant, agissant, fixe leur destinée. C’est lui qui éveille en eux les sentiments engendreurs des idées, dont ils vivent, et qu’ils s’efforcent de fixer en réalités sociales. C’est lui qui les pousse à l’action, aux grandes réparations d’équité, de vérité…

« Avoir été pour un jour, pour une heure, l’ouvrier d’une telle œuvre, suffirait à la gloire d’une vie.