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Samedi 25 mai. — Exposition de la Révolution et de l’Empire.

Des héros aux crânes étroits de crétins ; des meubles aux formes droites sur des pieds maigres, des intérieurs de famille avec des petits enfants, travestis en vétérans de famille impériale ; mais au milieu de cela, des nippes remuantes et des défroques plus mémoratives, que tous les imprimés. Oui des chapeaux, qui ont le roux de la poudre des batailles historiques : le chapeau d’Austerlitz, le chapeau de Waterloo, et à côté de ces feutres légendaires, ce chapeau de paille, ce vieux panama, tout gondolé, au cordonnet noir, que le grand Empereur portait à Sainte-Hélène. Et tout près du chapeau de l’exil, cette veste de piqué blanc, aux taches jaunes, qui semblent sorties du foie du Prométhée de l’île africaine. Enfin ce lit sur lequel il est mort, ce lit qui a la grandeur d’un lit de garçonnet, ce lit en fer, monté sur des roulettes, avec son petit dais en forme de tente militaire, sa soie verte passée, son mince matelas, son traversin, son gros oreiller : — ce lit, entre les rideaux duquel, il y a eu peut-être, dans l’insomnie, la plus grande souffrance morale de notre siècle.

En sortant de là, entré à l’Exposition des fleurs.

Des orchidées, des lilia, je crois, qui ont l’air de fleurs de chair, avec la petite tache de sang d’une fraise : des fleurs étranges qui sont comme un passage de la flore à de l’animalité angélique.

En sortant de dîner, Pierre Gavarni me dit, faire,