Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/392

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pleins de traces, se croisaient dans tous les sens. Dans l’intervalle de tous ces petits chemins, il s’étendait par places, de l’herbe, mais une herbe écrasée, desséchée et morte, éparpillée comme une litière jaune, et dont les brins, couleur de paille, s’emmêlaient de tous côtés aux broussailles, entre le vert triste des orties… Des arbres s’espaçaient tordus et mal venus, de petits ormes au tronc gris, tachés d’une lèpre jaunâtre, des chênes malingres mangés de chenilles, et n’ayant plus que la dentelle de leurs feuilles… De volantes poussières de grandes routes enveloppaient de gris les fonds… Tout avait la misère et la maigreur d’une végétation foulée, la tristesse de la verdure de la barrière… Point de chants d’oiseaux dans les branches, point de parcours d’insectes sur le sol battu… Un bois à la façon de l’ancien bois de Boulogne, poudreux et grillé, une promenade banale et violée, un de ces endroits d’ombre avare, où le peuple va se ballader à la porte des capitales : parodies de forêts, pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melons et des pendus ! »

Maintenant il arrivait, peu à peu, dans cette fabrication de nos volumes, que mon frère avait pris plus spécialement la direction du style, et moi la direction de la création de l’œuvre. Il lui était venu une paresse un peu dédaigneuse à chercher, à retrouver, à inventer — tout en imaginant un détail plus distingué que moi, quand il voulait s’en donner la