Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/66

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Tout en peignant, sa parole originale saute d’un sujet à un autre. Il dit que maintenant en France, une entame du patriotisme vient surtout du grand nombre de mariages contractés par des Français avec des étrangères — ce qui n’existait pas dans l’ancienne France — mariages qui donnent des enfants français, qui ne sont pas tout à fait français. Il blague ce peuple de littérateurs et de peintres, qui se précipitent à la suite du découvreur d’un procédé littéraire ou artistique, en sorte que les découvertes n’ont plus l’air d’être faites par un seul, comme elles le sont depuis le commencement du monde, mais par un monôme. Il s’indigne de la langue horrifique, que parlent à l’heure présente les gens avec lesquels, il prend le train de Vincennes, quand il va à sa petite maison de campagne du parc Saint-Maur, des gens, à propos de la translation d’un cimetière, traitant les morts du vocable de « charognes », et me jette cet éloquent appel : « Est-ce que vous n’avez pas en vous le sentiment de la désespérance, en ce monde de maintenant, dont les uns portent un étron dans la main, les autres un cierge ? »

Enfin il m’entretient de son antipathie pour le soleil, du mystère des ciels voilés, de la séduction mystique des crépuscules, confessant, sans s’en douter, l’amoureux peintre de grisaille qu’il est.

Jeudi 7 juillet. — Aujourd’hui on m’apporte le