Page:Goncourt - La Fille Élisa, Charpentier, 1877.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une intelligence au-dessous des autres. On pouvait se demander si elle avait un cerveau ayant le poids voulu pour qu’il s’y fît la distinction du bien et du mal, si elle avait une conscience où pouvait se fabriquer un reproche ou un remords, si enfin l’espèce d’idiote, toujours souriante qu’elle était, même au milieu des mauvais traitements, était responsable de sa vie.

Cette infériorité faisait de Gobe-la-lune le souffre-douleur, le martyr de l’endroit. Les femmes, non contentes des féroces mystifications qu’elles lui faisaient subir toute la journée, se donnaient le mot pour la livrer, ― histoire de rire, ― aux ivresses les plus mauvaises, aux amours les plus inclémentes.

Mélie, dite la Chenille, avait été d’abord la petite fille vendant, le jour, aux abords de la halle, la marée, la noix verte, vendant, le soir, dans les rues désertes, du papier à lettres ; et, bien avant d’être formée, déjà dépravée, pourrie, gangrenée. Ramassée tous les six