Page:Goncourt - La Fille Élisa, Charpentier, 1877.djvu/147

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la peau mettait de suite, au linge qu’elle touchait, une crasse saumonée, et dont la parole, qu’on n’entendait pas plus qu’un souffle enrhumé, paraissait frapper la voûte sourde d’un palais artificiel.

La Cérès, ainsi baptisée par un caporal qui avait fait ses humanités, arrivait de province. Une grande et fluette fille, à laquelle sa taille plate de paysanne donnait un étrange caractère de chasteté. Sous des cheveux rebelles qu’elle piquait de fleurs, elle avait un beau rayonnement, un rien sauvage, du haut de la figure. Peu communicative, et se tenant à l’écart de ses compagnes, toute la soirée, on la voyait, du pas irrité d’un animal en cage, aller d’un bout à l’autre de la salle longue, avec de petits bougonnements entre les dents, tout en tricotant, d’un air farouche, un bas blanc.

Une autre femme faisait l’achalandage et l’amusement de l’établissement. C’était une négresse, qui gardait encore, mal cicatrisé,