Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/219

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gue et exalté, et comme au milieu d’un léger effacement autour de lui de la réalité et d’une espèce d’endormement de sa pensée du jour, dans sa tête, semblable à cette tête vide où l’on voit une cuiller retirer une à une les idées, le clown arrivait à n’avoir plus que le reflet de sa blanche figure renvoyée par les glaces, les images des monstres que rencontraient ses yeux sur son habit, et encore, le murmure resté dans ses oreilles de la musique diabolique de son violon.

Et cet état indéfinissable aux sensations fugaces et hétérogènes, avait une grande douceur pour Nello qui, aux côtés de son frère, toujours la tête baissée, et toujours tourmentant le sol d’un bout de bois, restait lui, les bras croisés, la tête au mur, les traits dans une sorte de dilatation extatique, avec un pâle sourire de pierrot sur sa blanche figure, et immobile, et semblant demander qu’on n’interrompît pas le doux et riant et bizarre mensonge de son existence au Cirque.