Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/237

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mières et d’ombres que met dans des vagues, l’alternative de soleils rayonnants ou de nuages au ciel, ces impressions, les deux frères se les disaient avec des sons. Et il y avait dans cette causerie à bâtons rompus, et pendant que tour à tour se taisait l’un des violons, des rêveries de l’aîné sur des rhythmes mollement assoupis, et des ironies du plus jeune sur des rhythmes gouailleurs et strépitants. Et se succédaient, échappés à l’un et à l’autre, de vagues amertumes qui s’exprimaient par un jeu aux lenteurs plaintives, du rire qui sonnait dans une fusée de notes stridentes, des impatiences qui éclataient en fracas coléreux, de la tendresse qui était comme un murmure d’eau sur de la mousse, et du verbiage qui jasait en fioritures exubérantes. Puis, au bout d’une heure de ce dialogue musicant, les deux fils de Stépanida, tout à coup pris de la virtuosité bohémienne, se mettaient à jouer, tous les deux à la fois, avec une verve, un brio, un mordant, remplissant l’air de la