Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/243

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sance, leur parlaient mêmement à tous les deux. Enfin les idées, ces créations du cerveau dont la naissance est d’une fantaisie si entière, et qui vous étonnent souvent par le « on ne sait comment » de leur venue, les idées d’ordinaire si peu simultanées et si peu parallèles dans les ménages de cœur entre homme et femme, les idées naissaient communes aux deux frères, qui, bien souvent, après un silence, se tournaient l’un vers l’autre pour se dire la même chose, sans qu’ils trouvassent aucune explication au hasard singulier de la rencontre dans deux bouches de deux phrases qui n’en faisaient qu’une. Ainsi moralement agrafés l’un à l’autre, les deux Bescapé étaient besoigneux de la mêlée de leurs jours et de leurs nuits, avaient peine à se séparer, éprouvaient chacun, quand l’autre était absent, le sentiment bizarre, comment dire cela, le sentiment de quelque chose de dépareillé, entrant tout à coup dans une incomplète vie. Quand l’un était sorti pour quelques heures, il semblait