Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trage, et sur le fronton duquel on lisait en lettres effacées par la pluie : Manège Hauchecorne. Au roulement de la voiture à l’angle de la rue, une petite porte s’ouvrait dans la façade délabrée, et un homme introduisait la femme sitôt qu’elle était descendue. La Tompkins entrait dans le manège noir, vide, silencieux, et où seulement deux ou trois silhouettes d’individus, porteurs de lanternes sourdes, se voyaient penchés sur des pots de terre rouge. Au milieu du manège était étendu un tapis d’Orient, un vrai morceau de velours ras, montrant, ainsi que sur des miroitements de givre, des fleurs et des caractères persans du seizième siècle, tissés dans le clair et la tendresse de ces trois uniques tons : de l’argent, de l’or vert, du bleu lapis-lazuli. À côté se dressait une pile de coussins brodés. L’Américaine se couchait sur le tapis, démolissant les coussins, les attirant sous elle, en calant son dos et ses bras, cherchant longuement et presque voluptueusement un paresseux allongement ap-