Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/302

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çon qui leur demandait ce qu’ils voulaient : « Donnez-moi de ça que mange le monsieur à côté ! » Nello, ce soir-là, ne parlait pas plus que son frère.

Après dîner, ils s’asseyaient dans des cafés, mais décidément ils ne pouvaient rester assis.

Ils cherchaient alors des endroits où l’on va et vient, le corps est en mouvement, où il leur était loisible de remuer et retourner leur fièvre. Ils entraient dans des bals, dans des concerts, où, parmi de la foule, sous une lumière aveuglante, emportés par la marche des autres, en une promenade mécanique et toujours recommençante autour d’un bruit de musique, ils tournaient sans trêve, ne voyant rien, n’entendant rien, des cigares éteints à la bouche, absents du lieu, du monde, des choses, parmi lesquels ils roulaient toute la soirée, — mais seulement de temps en temps se retournant l’un vers l’autre, et se disant, sans se parler, avec le bonheur de leur figure : « Ça y est ! »