Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/36

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fue, vivace, se tordait en grosses mèches révoltées au-dessus d’un ovale aminci et suave, un ovale de miniature indienne. En ces yeux il y avait de noires clartés électriques, et dans le teint ténébreux de la créature songeuse une naturelle petite coloration rose sous les paupières, semblable à une légère pointe de fard effacée, et, par moments, montait à ses lèvres sérieuses un sourire indéfinissablement étrange. L’originalité de cette beauté s’accommodait au mieux avec le paillon, le clinquant, le chrysocale, l’orient des colliers de perles fausses, la grosse verroterie des diadèmes de baraque, les zigzags de l’or et de l’argent dans les oripeaux aux voyantes couleurs.

Mariée à un giorgio, à un étranger, — fait rare, — la bohémienne, à l’imitation de sa race qui depuis des siècles se refuse à l’assimilation avec la famille européenne, était restée une fille de ces primitives populations vagabondantes de l’Himalaya, de ces Jatt vivant depuis le commencement du monde,