Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/157

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inexpressive, presque inhumaine, et là qu’une beauté faunesque, animée de la joie ivre, capricante et malfaisante du premier âge champêtre et bestial de l’homme primitif. La tête du Lucius Verus, la toison frisée de ses cheveux dévorant son front bas, ses grands yeux bovins et durs, le nez de forte énergie, ses mâchoires plantées de barbe laineuse, n’étaient plus pour elle que le type brut du violent et superbe animal romain. Tous ces ancêtres, avec la rigidité de leurs figures et de leurs toges, avec leurs rides moroses, lui montraient l’impitoyable âpreté pratique du génie latin. Dans les galeries, elle se figurait être entourée par un peuple de morts de marbre qui, vivants, en avaient eu la dureté ; les matrones au repos sur des sièges roides, lui faisaient presque peur avec l’inexorable de leurs poses ; ― et toujours plus redoutable, grandissait pour elle l’implacabilité des statues et des bustes.

En même temps, la mémoire de ses lectures la travaillant sourdement, secrètement, et sans qu’elle en eût la conscience,