Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/159

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et fermes réflexions de sa jeunesse, et auxquelles la femme se croyait si bien morte. Vainement elle avait essayé de résister et de ne pas s’ouvrir ; vainement son effort s’était tendu contre ce sourd travail de sentiments confus et tendres, l’intime secousse qui avait été le premier ébranlement de la sécurité et de la confiance de sa raison ; vainement elle avait usé des moyens qu’une personnalité intelligente et énergique emploie pour se raffermir et se reprendre, en s’entraînant à quelque occupation élevée qui redresse et relève. Un moment elle avait eu l’illusion d’un entier attachement à l’antique ; mais elle retombait encore de là, plus lasse de lutter et se sentant plus vaincue qu’avant l’aspiration d’indépendance et de liberté de ses pensées, accablée, défaillant sous les phénomènes moraux contre lesquels elle se sentait désarmée, impuissante ; et glissant aux choses religieuses comme par un attirement irrésistible à la pente d’un doux abîme, elle s’abandonnait à l’angoisse et à la langueur d’une conscience absolument découragée.