Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/197

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du corps et des entretiens de la terre, la comtesse se mettait à parler la langue de son âme, avec un accent toujours plus vibrant de foi, une élévation plus mystique, une voix qui à la fin semblait s’en aller du monde.

Quelquefois là dedans tombait un récit, un détail du martyrologe catholique de sa famille. Elle disait l’homicide mariage de celui-là de ses aïeux, un des grands noms de la Russie, condamné par l’impératrice Anne à épouser une bohémienne octogénaire, dans la maison de glace, sur un lit nuptial de glace où l’on fit, le lendemain, la levée des deux cadavres roidis : horrible exemple qui paraissait éveiller en elle, quand elle le rappelait, une sourde envie et des appétits sauvages d’une mort martyrisée.

Mme Gervaisais l’écoutait sans l’interrompre, regardant, à mesure qu’elle parlait, tout ce qui passait sur ce visage d’inspirée, ce visage à la fois doux et intrépide, court et carré, au nez qu’un méplat aplati faisait paraître presque fendu au bout, aux yeux qui, sous leurs épais sourcils