Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/20

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de la part des messieurs auxquels on avait servi du café au lait dans des verres. Il y avait des gens qui disaient, à propos de la petitesse des poulets rôtis, que cela donnait une triste idée du gouvernement, et un homme chauve, à visage considérable, accusait l’édilité de « l’endroit » de ne pas même faire balayer tous les matins la prison de Saint-Pierre !

Madame Gervaisais fut contente de penser que c’était son dernier dîner à la Minerve. Tout ce bruit niais qui l’entourait, l’ennuyait, la blessait presque : elle éprouvait une espèce d’écœurement à entendre là — la sottise parler si haut. Son amour-propre de française, de parisienne, souffrait de ces inepties sortant de la bouche de compatriotes, et il y avait en elle une humiliation, en même temps qu’un agacement presque douloureux, à toucher de si près et dans sa plus grosse expression le Béotisme exubérant que développe, par un singulier et ironique privilége, le spectacle de la plus grande ville du monde chez le peuple le plus spirituel de la terre.