Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/248

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C’est ainsi qu’ils arrivaient ensemble régulièrement et ponctuellement à la villa Borghèse, où, prenant part au mouvement des voitures, ils se mêlaient aux plaisirs et au spectacle du beau monde. Parfois, cependant, on remarquait le retard de Trovato. Il s’était aperçu ce jour-là que son poil était repoussé et allait cacher avec sa laine le ras de son dos : alors, de son propre mouvement, il se présentait au vieux tondeur de chiens qui avait sa petite table à tondre dans le Forum de Nerva : sautant sur l’établi, il s’offrait aux ciseaux, et, sans qu’on eût besoin de l’attacher avec une ficelle, ne bougeait plus. La tonte faite, après une ablution de seaux d’eau, on pouvait le voir se ressuyant sur une de ces colonnes antiques couchées à terre et frappées de la raie de soleil semblant rayer le bronze d’un canon énorme : il y trènait avec une majesté bonasse, à côté d’une rangée de petits chiens qui grelottaient, tout noyés, sur le parapet du Forum. Une fois sec, il sautait de la colonne, remerciait le tondeur par des jappements pressés, furieux, comme enragés