Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/71

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pourquoi, je n’ai pas ri. À mesure que cela marchait, une tristesse de dégoût me prenait, me serrait le cœur. L’image que nous nous sommes faite à nous d’un Dieu était si peu celle-là, n’est-ce pas, ami ? Je me disais : c’est pourtant la foi de la civilisation ; et je ne voyais qu’une sauvage et toute brute idolâtrie d’Orient, un peu de la ruée de l’Inde sous une idole de Jaggernat ! J’étais atteinte, touchée, humiliée au plus profond de moi par cette extériorité et cette grossièreté figuratives, par ce symbolisme outrageusement humain. Impression bizarre, confuse, mais sincère et poignante, je t’assure. Je souffrais de cette scandaleuse dégradation d’un culte qui me paraissait profaner des croyances que ma vie a quittées, mais que je n’ai jamais aimé à voir outrager. Ce qui se passait devant moi, et ce qui eût dû me laisser indifférente ou simplement curieuse, me faisait souffrir sans que je pusse bien clairement m’expliquer cette souffrance. En y réfléchissant, je pense maintenant que j’étais blessée dans le sentiment élevé, délicat et pudique, que