Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/86

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Mais c’est qu’il a joliment de l’esprit, au fond !

L’enfant écoutait Honorine, les yeux inquiets, la tête avancée pour mieux entendre, timide et confus, peureusement attentif, comme toutes les fois qu’on parlait de lui… Madame Gervaisais lui ouvrit ses deux bras, et le serrant nerveusement sur sa poitrine, elle laissa tomber sur sa tête deux larmes lentes à couler.

Elle pensa à ce pauvre ange, si elle était morte et s’il ne l’avait plus ! Enfant de douleur, mal et à moitié né, que deviendrait-il seul et sans mère, ce doux être de souffrance et de tendresse, fait uniquement pour aimer et être aimé, n’ayant guère pour s’exprimer que des larmes et des baisers ? Et comment pourrait-il vivre ce malheureux petit martyr d’amour ? L’idée des souffrances, du supplice, qui attendaient l’innocente âme infirme, désarmée de toutes les intelligences et de toutes les défenses des autres, la frappa d’une épouvante subite et lui fit faire un grand retour sur elle-même : elle se redressa dans une