Page:Goncourt - Préfaces et Manifestes littéraires, 1888.djvu/119

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raison d’ostracisme que l’apparence de la fortune et du bonheur, il nous faut essayer de désarmer l’envie, en la consolant un peu.

Nous avons travaillé quinze ans, renfermés, solitaires, acharnés au travail. Nous avons eu toutes les défaites, tous les chagrins, tous les désespoirs, toutes les injures amères de la vie littéraire. Nous avons saigné dans notre orgueil, pendant de longues heures d’obscurité. Pendant des années, c’est à peine si nos livres nous ont payé l’huile et le bois de nos nuits. Nous sommes arrivés pas à pas, livre à livre, obligés de tout disputer et de tout conquérir. Et nous avons mis quinze ans enfin à parvenir au Théâtre-Français.

Pour notre fortune, nous n’avons pas tout à fait douze mille livres de rentes à nous deux. Nous logeons au quatrième, et nous avons une femme de ménage pour nous servir.

Et pour notre bonheur, il ne faut pas