Page:Goncourt - Préfaces et Manifestes littéraires, 1888.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ns au fin fond de l’hôpital, à une grande porte jaunâtre sur laquelle il y a écrit en grosses lettres noires : Amphithéâtre. Le garçon frappe. La porte s’entr’ouvre au bout de quelque temps, et il en sort une tête de garçon boucher, le brûle-gueule à la bouche : une tête où le belluaire se mêle au fossoyeur. J’ai cru voir au Cirque l’esclave qui recevait les corps des gladiateurs, — et lui aussi reçoit les tués de ce grand cirque : la société. On nous a fait, un long moment attendre, avant d’ouvrir une autre porte, et pendant ces minutes d’attente, tout notre courage s’en est allé, comme s’en va, goutte à goutte, le sang d’un blessé s’efforçant de rester debout. L’inconnu de ce que nous allions voir, la terreur d’un spectacle vous déchirant le cœur, la recherche de ce visage au milieu d’autres corps, l’étude et la reconnaissance de ce pauvre corps, sans doute défiguré, tout cela nous a fait lâches comme des enfants.