Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/229

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passe, me fait un salut, et semble demander du regard si l'on peut entrer. Puis le personnage entre et à sa suite se faufilent processionnellement vingt à vingt-cinq larves d'un pied et demi de haut. Ces terribles grotesques ont la blancheur livide d'une tête de veau échaudée. Ils marchent sur des pieds grands au moins comme le tiers de leur corps, pieds à peine équarris dans la chair mollasse. Leurs mains informes et gélatineuses se digitent en d'immenses doigts annelés de bourrelets de graisse. Tous emboîtant le pas, et comme enchevêtrés l'un dans l'autre, se prennent à côtoyer lentement le mur, contournant les meubles, entrant dans tous les angles, passant autour de toutes les saillies, ondulant et fourmillant comme un monstrueux relief de Calibans nains. Le maître des cérémonies est un croque-mort qui a sa tête sinistre couverte d'un gigantesque tricorne, d'où s'échappent, voltigeant à terre et se prenant en ses jambes, deux bandes de crêpe noir pareil à celui de Crespel. Sa face est creusée du front aux dents comme un quartier de lune, sa veste est noire, ses grandes bottes sont relevées au bout à la poulaine. Il