Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/236

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Comédiens de province! parias, sentinelles perdues de l'art dramatique, artistes au long cours, allant par toute la France à la chasse de la recette, portant dans une misérable valise toutes les gaietés et toutes les terreurs, les fourberies de Scapin et les fureurs d'Oreste, des couronnes et des battes; comédiens à toute outrance, suppléant aux décors, faisant de rien quelque chose; Napoléons de la rampe, rayant le mot _impossible_, apprenant sept actes en deux jours, prenant le vent comme il vient, le public comme il est, emplissant la rotonde des diligences, répétant dans les auberges la fenêtre grande ouverte; quelquefois montant et descendant toute la gamme des passions humaines dans une grange pour dix sous les secondes; tirades hurlées, recettes en gros sous, existences de hasard, dîners d'occasion, couchées de rencontre, le _plaustrum_ de Thespis moins les vendanges, soupirs des Ragotins de l'endroit pour Angélique ou mademoiselle l'Étoile, hôtelleries où l'on engage «les chausses troussées à bas d'attache»; vie de pourpre et de guenilles, d'imaginative et d'audace; vie à la Rosambeau, où Robespierre se