Page:Gondal - Mahomet et son oeuvre.djvu/25

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beau chef-d’œuvre en prose de la littérature arabe ; tant pis dans ce cas pour la littérature arabe. Pour quelques rares fragments où l’auteur sait se montrer tour à tour véhément, pathétique, gracieux, que de chapitres sans souffle, sans relief et sans couleur ! que de fadeurs, d’incohérences, de chutes, de répétitions, de contradictions !

« Quand on parcourt ce mélange incohérent de prières, d’invectives, d’anecdotes, où les louanges de Dieu les plus belles, et les accents de la conscience la plus pure, sont entremêlés de prescriptions légales, matrimoniales ou hygiéniques, de contes burlesques, et de sauvages anathèmes, on ne peut se défendre d’une profonde tristesse en songeant aux millions d’êtres humains qui n’ont pour guide dans la vie que cet informe chaos, et auxquels il cache pour jamais la pure lumière de l’Évangile. Les récits de la Bible y sont mutilés et dénaturés, les grandes figures de l’histoire sainte dont chacun de nous retrouve les silhouettes colossales gravées au fond de sa mémoire par les leçons d’une mère, y sont réduites aux proportions des personnages de contes de fées. Souvent en célébrant les grandeurs divines, Mahomet a d’heureux mouvements : on sent passer comme un souffle biblique par lequel on se laisse porter, sans trop se demander si ce n’est pas de David ou d’Isaïe que vient l’inspiration : mais le ton ne se soutient pas ; une chue brusque, souvent puérile ou ridicule, vous fait descendre des hauteurs où vous vous croyiez appelé, et retomber lourdement sur la terre, c’est-à-dire, sur le sable aride du désert. Aucune suite dans tous ces fragments, aucun enchaînement, aucune harmonie ; la seule idée générale qui donne un peu d’unité à cette œuvre