Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
OBLOMOFF.

eût passé toute sa vie, il ne chercha pas les complications, il ne se cassa point la tête avec les innovations, ainsi que le font les hommes de notre temps, pour ouvrir de nouvelles sources de fécondité, ou augmenter les anciennes, et ainsi de suite.

Il semait ses champs comme les avait semés son père, et n’imaginait point d’autres débouchés pour ses produits. Au reste, le vieux était enchanté qu’une bonne année ou la hausse des prix lui donnât un revenu plus grand que celui de l’année précédente : il nommait cela une bénédiction du ciel. Seulement il n’aimait point à inventer des moyens nouveaux ou à faire des efforts pour acquérir de l’argent.

— Nos pères et nos aïeux n’étaient pas plus bêtes que nous, disait-il en réponse à certains conseils qu’il traitait de dangereux, et cependant ils ont coulé une existence heureuse ; nous la coulerons aussi. Dieu aidant nous ne manquerons pas de tout.

Recevant, sans employer la finesse ni la ruse, assez de revenus de ses biens pour dîner et souper copieusement tous les jours avec sa famille et ses hôtes, il remerciait Dieu et regardait comme un péché de prendre la peine d’en acquérir davantage.

Si, en lui apportant deux milliers de roubles, après avoir glissé le troisième dans sa poche, l’intendant, rejetait la faute en pleurant sur la grêle, la sécheresse, la mauvaise année, le vieux Oblomoff faisait le signe