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OBLOMOFF.

Depuis cette époque il se considérait comme un objet de luxe, comme un attribut aristocratique de la maison, destiné à rehausser l’éclat de l’ancienne famille, et nullement comme un objet d’utilité.

Aussi dès qu’il avait habillé le matin et déshabillé le soir son jeune barine, il passait le reste du temps à ne rien faire. Paresseux de sa nature, il l’était encore par son éducation de laquais.

Il faisait l’important avec les domestiques, ne prenait point la peine de chauffer la bouilloire, ni de donner un coup de balai ; ou bien il sommeillait dans l’antichambre, ou il allait bavarder à la cuisine ou au réfectoire ; ou bien encore, pendant des heures entières, il se tenait les bras croisés sur la porte, et regardait de côté et d’autre dans un assoupissement contemplatif.

C’est après une pareille existence que sans transition on l’avait chargé du service fatigant de toute la maison ! Il lui fallait soigner le barine, balayer, épousseter et faire les courses ! Cette vie de tracas remplit son âme d’une humeur sombre qui se manifesta par la grossièreté et la dureté du caractère ; c’est ainsi qu’il grognait chaque fois que la voix du barine l’obligeait à quitter le poêle.

Pourtant malgré sa morosité et sa sauvagerie apparente, Zakhare avait le cœur doux et bon. Il aimait même à s’amuser avec les petits enfants.