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OBLOMOFF.

autour de son village : chaque jour ils se réuniraient les uns chez les autres pour dîner, souper, danser ; il ne voyait que des jours sereins, des figures sereines, sans soucis et sans rides, riantes, rondes, rosées, à double menton et avec un appétit toujours florissant ; il y aurait un été éternel, une joie éternelle, un ordinaire succulent et une douce paresse…

« Mon Dieu, mon Dieu ! » s’écria-t-il débordant de bonheur et il revint à lui-même. Et dans la cour retentissait un chœur à cinq voix : « Des pommes de terre ! — Du sable, demandez du sable ! — Charbon, charbon ! — Donnez, messieurs les bienfaiteurs, pour l’érection d’un temple au Seigneur ! » Et dans la maison voisine, que l’on bâtissait, résonnaient les coups de hache, et les cris des ouvriers.

« Ah ! » soupira tout haut et amèrement Oblomoff, « quelle existence ! quelle abomination que ce bruit de la capitale ! Quand donc viendra cet Éden tant désiré ? À quand les champs et les bocages tant aimés !

« Qu’il serait bon maintenant d’être étendu sur le gazon, sous l’arbre, et de regarder à travers ses branches le doux soleil et de compter les oiseaux qui sautillent dans ses feuilles.

« Et là, sur l’herbette, tantôt le dîner, tantôt le déjeuner est servi par une servante joufflue aux bras nus, aux coudes arrondis, au cou hâlé ; elle