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OBLOMOFF.

passant par-dessus le barine ; là aussi se trouvait, pour le rappeler à lui-même, le miroir qu’une couche de poussière couvrait comme une gaze. Dans le miroir, d’un air sauvage et en dessous, le regardait, comme dans un brouillard, sa propre face morose et laide.

Il détourna son regard avec mauvaise humeur de ce triste objet qui ne lui était que trop connu, et se décida un instant à l’arrêter sur Élie. Leurs yeux se rencontrèrent. Zakhare ne put soutenir le reproche peint dans l’œil du barine, et baissa le sien à ses pieds : là encore, sur le tapis, imprégné de poussière et de taches, il put lire le pitoyable certificat de son zèle pour le service du maître.

— Zakhare ! répéta Oblomoff avec sentiment.

— Monsieur ? dit Zakhare à voix basse et à peine intelligible, et il frissonna légèrement, pressentant un discours pathétique.

— Donne-moi du kwas, dit Élie.

Zakhare sentit son cœur soulagé : de joie, il se jeta lestement, comme un gamin, vers le buffet et apporta le kwas.

— Eh bien ! comment te sens-tu ? demanda Oblomoff avec douceur après une gorgée, et tenant le verre dans sa main ; n’est-ce pas que tu n’es pas bien ?

La figure sauvage de Zakhare s’attendrit sur-le-champ, un rayon de repentir illumina ses traits.