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OBLOMOFF.

Zakhare fut définitivement attendri par les derniers mots lamentables. Il commença à sangloter tout bas ; le râle et le sifflement enroué se confondirent cette fois en une note que n’aurait pu donner aucun instrument, sauf peut-être le gong chinois ou le tam-tam indien.

— Mon bon seigneur ! suppliait-il, finissez donc ! Ah ! mon Dieu ! Qu’est-ce que vous chantez là ? Ah ! notre mère, la très-sainte mère de Dieu ! Quel malheur a fondu sur nous, sans qu’on ait pu le prévoir !…

— Et toi, continua Élie sans l’écouter, tu aurais dû avoir honte de parler ainsi ! Voyez quel serpent j’ai réchauffé dans mon sein !

— Serpent ! s’écria Zakhare en frappant ses mains l’une contre l’autre, et il se mit à pleurer en bourdonnant comme si vingt hannetons étaient entrés dans la chambre. Quand donc ai-je parlé de serpent ? disait-il à travers ses sanglots, mais je ne le vois seulement pas en rêve, l’impur !

Ils ne se comprenaient plus l’un l’autre et chacun finit par ne plus se comprendre lui-même.

— Mais comment as-tu eu le front de me parler ainsi ? continua Oblomoff : et moi qui lui avais assigné dans mon plan une maison à lui, un potager, une ration de blé, moi qui lui avais fixé des gages ! Tu étais chez moi intendant, majordome et chargé d’affaires ! Les