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OBLOMOFF.

Dans le fossé un mougik était étendu, la tête appuyée contre le bord. Auprès de lui traînaient un sac et un bâton, au bout duquel étaient attachées deux paires de laptis[1].

Les paysans n’osaient ni s’approcher ni le toucher.

— Hé ! là-bas ! toi, frère ! criaient-ils chacun à son tour, se grattant l’un la nuque, l’autre le dos : Comment qu’on te nomme là-bas ? Qui es-tu ? hé ! là-bas, toi ! Qu’est-ce qu’il te faut ici ?

L’inconnu fit un mouvement pour lever la tête, mais il ne put ; il était visiblement ou malade ou fatigué. Un des paysans se hasarda presque à le toucher de sa fourche.

— N’y touche pas, n’y touche pas ! crièrent quelques-uns. Comment savoir ce que c’est ? Vois, il ne dit rien ; peut-être est-ce quelque chose comme le… Ne le touchez pas, les amis !

— Allons-nous-en, disaient les autres : en vérité, allons-nous-en ! Qu’est-ce qu’il est pour nous ? un parent, par hasard ? Il n’y a que du mal à gagner avec lui !

Et tous s’en retournèrent au village, racontant aux vieux qu’il y avait, couché par là, un homme qui n’était pas du pays, qui ne parlait pas, et Dieu sait ce qu’il y faisait…

  1. Chaussures d’écorce.