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OBLOMOFF.

près de sa bonne, et observe tout d’un regard attentif. Son intelligence naissante suit les phénomènes qui se produisent sous ses yeux ; ils descendent dans les profondeurs de son âme, ensuite ils croissent et mûrissent avec lui.

La matinée est splendide : l’air est frais, le soleil n’est pas encore bien haut sur l’horizon. La maison, les arbres, le colombier, la galerie, tout projette des ombres qui s’allongent, et forment dans le jardin et dans la cour de fraîches retraites qui vous invitent à la méditation et à la rêverie.

Seulement, au loin, le champ de blé paraît flamboyer, le ruisseau brille au soleil et scintille à vous éblouir.

— Pourquoi donc, ma bonne, qu’il fait sombre ici et clair là-bas, et que tantôt là-bas il fera clair ? demande l’enfant.

— Mais, mon petit seigneur, c’est parce que le soleil va à la rencontre de la lune et que, pour l’apercevoir, il voile à demi ses yeux ; tantôt, dès qu’il la verra de loin, il aura les yeux grands ouverts.

L’enfant tout pensif continue à regarder autour de lui : il voit Anntipe aller à l’eau, et sur la terre, à côté du paysan, chemine un autre Anntipe, dix fois plus grand que le véritable, et l’ombre du tonneau est grande comme la maison, et celle du cheval couvre tout le pré ; l’ombre fait deux pas sur le pré