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OBLOMOFF.

assiette, une salière, un os à demi rongé et des miettes de pain, débris du souper de la veille.

Sans cette assiette et sans une pipe encore chaude, appuyée contre le lit, ou bien encore sans le maître qui y était couché, on aurait pu croire la chambre inhabitée, tant elle apparaissait couverte de poussière, pleine d’objets fanés, et vide de tout ce qui indique la présence d’un homme.

On apercevait bien sur les étagères deux ou trois livres ouverts, un journal abandonné, et même sur le bureau un encrier avec des plumes ; mais ces livres étaient souillés de poussière et jaunis par le temps ; on voyait qu’ils avaient été jetés là de longue date. Le journal était de l’année précédente et, si l’on avait trempé une plume dans l’encrier, peut-être qu’une mouche effrayée s’en serait échappée en bourdonnant.

Oblomoff, contrairement à son habitude, s’était réveillé de très-bon matin, vers les huit heures. Il était en proie à une forte préoccupation. Sa figure exprimait tour à tour de vagues sentiments de crainte, d’ennui et de colère. On devinait qu’il souffrait d’une lutte intérieure et que le raisonnement n’était pas encore venu à son secours.

Le fait est qu’Élie avait reçu la veille des nouvelles fâcheuses de son staroste[1]. On se figure bien de

  1. Intendant de village choisi parmi les serfs.