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OBLOMOFF.

plus pauvres que lui. Il tient on ne sait d’où trois cents roubles de revenu ; de plus, il a une petite place et touche de maigres appointements : il ne souffre pas de la misère et n’emprunte à personne, mais l’idée ne viendra à personne de lui emprunter.

Il n’a point dans son emploi de besogne particulière et bien arrêtée, parce que ni ses collègues ni ses chefs n’ont jamais remarqué qu’il fit bien ou mal, de sorte qu’on n’a pu discerner à quoi en définitive il était propre. Qu’on le charge d’une affaire ou d’une autre, il s’en acquittera de telle façon qu’on ne saura se prononcer ; son chef examinera son travail à plusieurs reprises, le lira, le relira et finira par dire : « Laissez, je reverrai tantôt… oui, c’est à peu près cela, c’est ce qu’il faut. »

Jamais vous ne saisirez sur sa mine trace de souci ni de rêverie, ce qui pourrait prouver que dans le moment il s’entretient avec lui-même ; jamais non plus vous ne le verrez fixer un œil attentif sur quelque objet, pour en prendre, une connaissance exacte. Quelqu’un le rencontre dans la rue et lui demande : « Où allez-vous ? « — Je vais à mon bureau, ou à tel magasin, ou faire une visite. »

Si l’interlocuteur lui dit :

« Venez plutôt avec moi à la poste, ou chez mon tailleur, ou nous promener », il l’accompagnera, passera chez le tailleur et à la poste, et ira