Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/150

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Il se plongea dans ses réflexions, baissa la tête, puis, la redressant, il dit avec un petit rire :

— Je ne crains pas de dire que c’est moi qui l’ai frappé… Mais j’ai honte de l’avoir fait !

Il laissa tomber ses bras, se leva et répéta :

— Je ne puis pas le dire, j’ai honte !

— Je ne te comprends pas bien, dit Pavel en haussant les épaules. Ce n’est pas toi qui l’a tué, et si même…

— Frère, c’est un homme malgré tout… L’assassinat est une chose répugnante… Savoir qu’un autre assassine et ne pas l’empêcher… c’est peut-être une infâme lâcheté…

Pavel répliqua avec fermeté :

— Je ne te comprends pas du tout !

Il ajouta après un moment de réflexion :

— Ou plutôt je puis comprendre… mais non éprouver ce sentiment.

La sirène résonna. Le Petit-Russien pencha la tête sur l’épaule pour écouter l’appel autoritaire, et déclara en se secouant :

— Je ne veux pas aller travailler…

— Moi non plus ! répliqua Pavel.

— Je veux aller aux bains ! répliqua André avec un petit rire.

Et, s’étant habillé à la hâte, il sortit, maussade…

La mère l’accompagna d’un regard de compassion, et dit à son fils :

— Tu diras ce que lu voudras, Pavel. Je le sais : c’est un péché que de tuer un homme… et pourtant, je trouve que personne n’est coupable… En regardant Isaïe je me suis rappelée qu’il m’avait menacée de te faire pendre… Je n’avais plus d’irritation contre lui, ni de joie de ce qu’il était mort… Mais j’en avais pitié, tout bonnement… Et maintenant, voici qu’il ne me fait plus même pitié…

Elle s’interrompit, réfléchit un instant et reprit en souriant d’étonnement :

— Seigneur Jésus !… Pavel, entends-tu ce que je dis ?

Pavel ne l’avait sans doute, pas écoutée. Tête baissée, il arpentait lentement la chambre ; il s’écria d’une voix sombre :

— La voilà, la vie, maman ! Tu vois comme on a