Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/154

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— Bien ! répondit la mère. J’irai dès que le samovar sera prêt.

— Et toi aussi, tu t’occupes de ces choses, mère ? demanda Rybine en riant. Il y a beaucoup d’amateurs de livres dans mon village. L’instituteur lui-même y prend goût. On dit que c’est un bon garçon, quoiqu’il ait été élevé au séminaire. Il y a aussi une maîtresse d’école, à sept verstes de là… Mais ils ne veulent pas se servir de livres interdits, ils ont peur, c’est le gouvernement qui les paie… et voilà ! Il me faut des livres défendus, bien piquants… je les distribuerai en cachette. Et si le prêtre ou quelqu’un de la police s’en aperçoit, ils croiront que ce sont les maîtres d’école qui font de la propagande. Moi, personne ne me soupçonnera !

Heureux de sa trouvaille, il se mit à rire.

— Vois-tu ça ! pensa la mère. Tu as l’air d’un ours et tu es un renard…

Pavel se leva et, tout en arpentant la chambre, il dit, d’un ton de reproche :

— Nous vous donnerons des livres, Mikhaïl Ivanovitch ; seulement, ce que vous vous proposez de faire n’est pas bien !

— Pourquoi cela ? demanda Rybine, les yeux écarquillés.

— Parce qu’il faut toujours répondre de ce qu’on fait… C’est mal d’arranger les affaires de manière à en rendre responsables d’autre que soi !

La voix de Pavel était sévère.

Rybine regarda à terre, hocha la tête et répliqua :

— Je ne comprends pas ce que tu dis !

— Qu’en pensez-vous ? demanda Pavel en s’arrêtant devant lui. Les instituteurs seront-ils mis en prison si on les soupçonne de répandre des livres interdits ?

— Oui… et qu’est-ce que cela fait ?

— Mais, puisque c’est vous qui aurez distribué les livres et non eux, c’est vous qui devez aller en prison !

— Que tu es drôle ! s’exclama Rybine en riant et en se frappant le genou. Qui me soupçonnerait, moi simple paysan, de m’occuper de choses pareilles ? est-ce que cela arrive ? Les livres, c’est l’affaire des messieurs, c’est eux qui doivent en répondre…

La mère voyait que Pavel ne comprenait pas Rybine.